Le ciné-club

Télévision de l'ancien temps
J’ai longtemps été en guerre contre la télévision. Quand mes enfants sont nés, j’avais une liste longue comme le bras de raisons pour les empêcher de la regarder ; la première étant que je n’aimais pas ça.

Nous n’avons qu’un seul écran : je l’ai descendu au sous-sol et ça m’a donné quelques mois de sursis. Mais le temps a fait son œuvre et bientôt, mes petits couraient dans l’escalier avec la souplesse d’un jaguar. Il a fallu fixer les règles. L’une d’elles était que la télé devait servir à nous réunir, pas à nous isoler. Jamais en journée donc, et toujours en famille, le soir. Nous l’utilisons essentiellement pour regarder des films et des séries en famille parce que s’il y a une chose qui rassemble, c’est bien de faire des compromis.

Films de cowboys

Mes enfants sont aujourd’hui de grands ados et ces règles de vie que je leur ai imposées quand ils étaient tout petits sont toujours d’actualité. Heureusement, je ne fais plus l’arbitre. Ils ont d’autres habitudes et il ne leur viendrait jamais à l’idée de regarder la télé à deux heures de l’après-midi. Ils sont comme moi : ça les déprime.

Un rituel que j’ai inventé pour nos moments familiaux passés devant la télé vient de L’école des films de David Gilmour (pas celui de Pink Floyd). Ce récit autobiographique, que vous devez lire, raconte la relation d’un adolescent et de son père qui vivent chacun une période difficile et qui passent un an à regarder des films d’auteur.

David Gilmour son fils Jesse (Thomas Allen Publishers)Même si mes enfants étaient très jeunes à l’époque et que nous n’étions pas particulièrement en crise leur père et moi, nous avons décidé de nous en inspirer pour créer notre propre ciné-club.

La séance commençait quelques jours avant le visionnement. Nous choisissions d’abord un film culte selon une définition extraordinairement flexible. Était « culte » tout ce qu’on avait envie de voir. Chez nous, La grande vadrouille et La guerre des tuques sont toujours des films cultes.

Je profitais ensuite des heures d’école pour faire des recherches. Les anecdotes de tournages, le contexte historique, les erreurs de montage et les incohérences du scénario plaisaient particulièrement aux enfants. Cette étape était cruciale parce qu’elle tranchait entre leur envie de passer la soirée avec nous ou une fatigue insurmontable doublée du mal de ventre du siècle.

Les enfants peuvent voir pratiquement tout s’ils sont bien préparés. Mes enfants ont vu Casablanca à 9 et 10 ans et ils ont adoré ça. J’avais passé une semaine à leur raconter la Deuxième Guerre mondiale, le rôle de la femme dans les années 40 et la vie personnelle des acteurs. Ils mourraient d’impatience de voir enfin Madeleine Lebeau décrocher de son rôle et pleurer en écoutant « La Marseillaise ».Casablanca-Lebeau-Vive-la-France

Ils n’étaient pas simples spectateurs, ils comprenaient ce qui se passait et ça leur donnait un sentiment de toute-puissance qu’ils avaient rarement à leur âge.

Le soir de la projection, nous nous emmitouflions sous les couvertures. Je n’hésitais pas à faire des arrêts sur image et les enfants avaient le droit d’interrompre le film aussi souvent qu’ils le voulaient pour poser des questions ou faire des commentaires. J’étais aux anges quand ils remarquaient quelque chose que je n’avais pas vu. Vous seriez surpris d’apprendre que ça arrivait régulièrement. En une fraction de seconde, ma fille reconnaît un acteur qu’elle a déjà vu  et mon fils a un œil de lynx pour les faux raccords. Et nous sommes tous devenus des champions du monde pour faire des rapprochements entre les voix des artistes du doublage et les acteurs.

Avant de filer au lit, nous échangions nos commentaires et confrontions nos opinions. Le lendemain matin, chacun notait ses impressions dans un carnet « libre de fautes ». Je n’ai jamais corrigé ou censuré leurs commentaires. L’orthographe était massacrée, la grammaire inexistante et la syntaxe parfois maltraitée, mais l’esprit du ciné-club rayonnait.

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L’objectif que je poursuivais était de montrer le monde, l’Histoire, la vie aux enfants à travers le prisme familial. Je contribuais ainsi à développer leur conscience citoyenne et à leur apprendre que l’univers ne se limitait pas à notre bungalow.

Je dois compléter ce chapitre un peu idéaliste (je tais ici mes rares ratées) en avouant qu’il arrivait que mes enfants n’aient pas envie de regarder les films que leur père et moi avions choisis. Dans ces cas-là, ils avaient le droit de se bourrer la face dans les chips toute la soirée. Oui, ce n’est pas terrible au chapitre de l’éducation, mais une maman déterminée sait balancer par-dessus l’épaule les bons principes pour atteindre son but.

Chips

Aujourd’hui, nous ne faisons plus de cinéclub parce que l’étape de l’écriture dans le Moleskine était pénible pour tout le monde (sauf pour moi, évidemment). Mais pour le reste, il n’y a pas grand-chose de changé. Les films, les anecdotes, les couvertes et les chips sont toujours là. Et au-dessus de tout ça, il y a la famille.

Les films en famille


2 réflexions sur “Le ciné-club

  1. Bravo, mon amie! Les films sont tellement bons comme excuse pour apprendre, pour causer, pour faire voler la créativité… et, oui, pour célebrer la famille, comme vous faites! Bravo!

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