Samedi 6 juin
La soirée d’hier a été difficile. Agathe a beaucoup pleuré et je n’ai pas réussi à la consoler. C’est ce qui me crève le cœur quand mes enfants grandissent. J’ai perdu ce pouvoir divin que j’avais quand ils étaient petits. À cette époque, je n’avais qu’à murmurer « ça va passer, maman est là » au creux de leur oreille pour que tous les soucis s’envolent. Même les plus gros bobos disparaissaient comme par enchantement.
Anne comprend mieux l’impuissance de son père par rapport à ses coliques de bébé et elle est plus tolérante à l’égard de sa décision d’avoir une fille unique.
Quand ma fille s’est enfin endormie, c’est James qui a attaqué par les flancs. Il m’a raconté ses problèmes avec Simon-Pierre, son responsable graphique. Ça a commencé au début de l’automne. James et Pascal venaient d’adopter une politique d’entreprise pour faciliter la conciliation travail-famille. Ils ont proposé aux employés d’emmener leurs enfants au bureau pendant la relâche et ont créé une banque de journées flottantes à utiliser lors des congés pédagogiques. Comme Simon-Pierre n’a pas d’enfant, il considère qu’il a droit à d’autres formes de privilèges et à des conditions de travail qui l’avantageraient mieux. Je suis témoin que James et Pascal se sont décarcassés pour l’accommoder. D’abord pour acheter la paix et ensuite parce que même s’il représente un poids lourd du criticisme, Simon-Pierre fait du bon boulot. Ils lui ont proposé d’assouplir son horaire grâce au télétravail. Au début, ça faisait son affaire, mais il s’est mis à demander plus. Puis, il a voulu choisir les projets sur lesquels il allait travailler. La réponse de Pascal a fusé :
— Il n’en est pas question.
Je suis bien d’accord avec lui. Si tout le monde se limitait à ses envies, Anne ne serait pas en train d’écrire un roman policier jeunesse.
Simon-Pierre a avalé la couleuvre sans broncher, mais cette semaine il est revenu à la charge avec une demande encore plus farfelue : il veut avoir droit à un congé de ressourcement payé au même titre que ses collègues qui prennent des congés parentaux !
James et Pascal se battent comme des fous pour assurer la survie de Dana Media. Ils remuent ciel et terre pour créer un climat de travail épanouissant pour leurs employés. Tout le monde semble l’apprécier ; il n’y a qu’à voir comment le party de Noël lève chaque année et comment le club social est dynamique pour s’en convaincre. Simon-Pierre est le seul à trouver la chaussure trop étroite. James dit qu’il veut pousser les patrons à le congédier pour les actionner ensuite et ramasser le magot. Quand James a évoqué cette idée la première fois, j’ai cru qu’il exagérait. Mais je commence à penser comme lui. Trop, c’est trop. Je ne sais pas comment ça va se terminer, mais en attendant, James est chaviré.
Comme si on avait besoin de ça.
On pourrait donc dire que Simon-Pierre est une « pierre dans le chemin » de Dana Media! Ou encore, comme on dit ici, « une pierre dans le chaussure » de James et Pascal!
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Ici, c’est une roche dans le soulier. Oui, Simon-Pierre est un empêcheur de tourner en rond!
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