Samedi 9 mai
Raoul a 5 ans aujourd’hui. Il rayonne parce que sa fête d’amis tombe le jour pile de son anniversaire. Agathe a essayé de lui expliquer que c’était platte, au contraire, parce qu’on le fêterait une seule fois au lieu de deux. Mais rien n’a pu atténuer sa belle humeur. C’est exactement comme ça qu’il est venu au monde. Dans la lumière et la joie. Un vrai morceau de sucre.
Sans un troisième enfant, notre famille n’était pas complète — moi, je n’étais pas complète. C’est avec la naissance de Raoul que j’ai cessé d’avoir peur de perdre Agathe ou Lionel. Ce jour-là, j’ai su que je n’aurais pas d’enfant unique, même si un malheur m’en enlevait un. Ce sentiment de plénitude ne m’a plus jamais quittée. Oui, enfin… une fois que j’ai eu Raoul dans les bras. Parce qu’avant de me rendre au grand zen, on a vécu toute une aventure.
J’ai senti une forte contraction au moment où le soleil se levait. J’ai donné un coup de coude à James :
— Appelle Brigitte, ça presse.
Il paraît que le premier bébé fait le chemin des autres et que c’est pour ça que l’accouchement s’éternise. Le deuxième, lui, vient au monde à une vitesse folle. Pour le troisième, on remet les compteurs à zéro et ça peut être tout et son contraire. Moi, j’avance l’hypothèse que le troisième enfant naît selon sa personnalité. Raoul est arrivé comme une fusée.
Aurait-il hérité de l’impatience de sa mère ?
Je n’ai pas pris la peine de chronométrer le rythme des contractions ou de penser à ma respiration. Assise sur le bord du lit, j’ai fixé le réveil en priant pour que ma cousine débarque au plus vite. J’ai patienté quelques minutes, puis j’ai dit à James que je ne pouvais plus attendre.
— Appelle l’ambulance, tu me rejoindras plus tard à l’hôpital.
James a bredouillé un semblant d’objection. Le genre d’argument masculin qui laisse supposer qu’on peut se « retenir » d’accoucher.
Nooooooooon !
C’est la voix de Belzébuth qui lui a répondu.
Il a sauté sur le téléphone et a hurlé au répartiteur du 911 que sa femme accouchait pour de vrai. Celui-ci a commencé par rassurer James, ce qui était la chose la plus urgente à faire. Puis, il lui a dit que l’ambulance arriverait dans quelques minutes et qu’en attendant, James devait débarrer la porte d’entrée et relever ses manches. James a couru dans la salle de bain pour se laver les mains pendant que le gars à l’autre bout du fil me parlait. Il m’a dit de me coucher sur le dos et de lever les genoux en l’air.
— Si je fais ça, le bébé va sortir !
— C’est ce qu’on veut, Madame. C’est ça que le bébé veut lui aussi, et c’est lui le patron.
Un petit comique… J’ai ri malgré moi. James est revenu en courant. Il était en bedaine.
— Tu as enlevé ton t-shirt ?
— Il faut toujours se laver jusqu’aux coudes quand on opère. J’ai appris ça dans Grey’s anatomy.
Au moment même où il disait ça, il a tendu les mains et hop, il a attrapé Raoul. J’ai hurlé dans le téléphone :
— Il est là ! Le bébé est dans les mains de mon mari !
Deux secondes plus tard, les ambulanciers retontissaient au pied du lit. Ils ont coupé le cordon ombilical, vérifié que Raoul respirait bien et l’ont mis sur mon ventre. Ils nous ont ensuite chargés tous les deux sur une civière pour nous amener à l’hôpital. On a eu de la chance, Brigitte est arrivée à ce moment alors James a pu m’accompagner. Aussi incroyable que ça puisse paraître, Agathe qui avait 30 mois et Lionel qui en avait 14 ne se sont jamais réveillés !
J’étais tellement excitée que c’est seulement dans la salle d’accouchement que j’ai réalisé que Raoul avait les cheveux de son père et de son arrière-grand-père. On n’a pas eu besoin de préciser son sexe lorsqu’on a annoncé sa naissance :
— Il est roux !
On avait décidé depuis longtemps de l’appeler Raoul. Grandpa Henry nous avait proposé le nom pour Lionel et j’avais adoré ça, mais James pas du tout. Dans l’intervalle, l’idée a fait son chemin et James s’imaginait bien avec un Raoul McNeil. C’est comme ça que nous retrouvons aujourd’hui à célébrer ce bout de chou pas tout à fait comme les autres.
Depuis ce jour-là, je ne peux m’empêcher de penser à une fusée quand je regarde aller ce petit roux.
Quand j’étais petit je participais des fêtes d’anniversaire dans mon école, des camarades qui le faisaient lors de l’année scolaire. Et j’avais envie, car tout le monde était là et il y avait beaucoup de cadeaux! Comme mon anniversaire est en février, j’étais toujours en vacances scolaires, alors je n’ai jamais eu ma fête dans l’école… Je trouvais ça très injuste! Héhéhé!
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« J’ai appris ça dans Grey’s anatomy » – Mon Dieu, ça fait déjà au moins 5 ans que j’assiste à Grey’s Anatomy!
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Tu étais quand même chanceux d’avoir des vacances en février! Quand j’étais petite, nous avions deux semaines à Noël et 4 jours à Pâques. Ça faisait long…
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