Vendredi 10 avril
On est descendus en Gaspésie pour Pâques. Les enfants frôlaient l’extase de revoir Peter, grandpa Henry, grand-papa et grand-maman.
Agathe a passé l’avant-midi à faire ami-ami avec Gros Lard : mission facile considérant le caractère somnolent du matou. Ils ronronnaient en communion lorsque Raoul est apparu et a tiré la queue du chat. Gros Lard s’est levé, a feulé mollement et est allé se cacher au fond d’un garde-robe. Agathe a éclaté en sanglots.
— Quand je vais le retrouver, il va me mordre parce qu’il va croire que c’est moi qui lui ai fait mal !
Je l’ai rassurée en lui disant que Gros Lard n’avait jamais montré un caractère rancunier.
Tout en consolant sa fille, Anne fulminait contre son fils.
Ça m’a mis hors de moi de voir que Raoul recommençait à être agressif. Depuis quelque temps, ça allait mieux. Il obéissait et son éducatrice le complimentait beaucoup. Qu’est-ce qui a provoqué cette rechute ?
James l’a pris par le chignon du cou et l’a amené marcher sur la grève. Il a commencé par lui remonter les bretelles en lui expliquant que nous n’acceptions pas son comportement envers Gros Lard — et Agathe aussi. Voyant le peu de réactions du petit, James a changé son fusil d’épaule. Il l’a interrogé sur la garderie, son frère, sa sœur, sa rentrée à l’école l’année prochaine. Raoul restait évasif sur tous les sujets.
Ohé collègue, fais-lui comprendre qu’il ne pose pas les bonnes questions !
Puis James a eu une illumination.
— Et comment ça va avec maman ou moi ?
— Qu’est-ce qui se passe avec maman et toi ? a demandé Raoul, en élevant la voix. James a saisi la balle au bond.
— Rien du tout, mais on s’inquiète parce que notre petit garçon fait des bêtises ces derniers temps. Depuis le retour de Cuba, je crois… Est-ce que tu trouves que c’est difficile de reprendre la routine ?
Raoul s’est précipité dans les bras de James et a vidé son sac en pleurant. Il lui a dit qu’il avait peur qu’on se sépare. Incroyable ! Je n’en revenais pas quand James m’a raconté ça. Cette idée a germé dans sa petite tête au moment où Peter a quitté Sylvie. Il a pensé que la dispute serait contagieuse et que les problèmes de Peter contamineraient la relation de ses parents. C’est vrai que Raoul a pris du mieux quand Peter est parti et qu’il a rechuté dès qu’il l’a revu.
Pendant que James me rapportait leur conversation, j’étais anéantie. Mon petit bonhomme traînait une lourde peine au fond de son cœur et je ne m’en suis pas rendu compte. Ça me désespère. Je passe ma vie à préparer des repas de poisson d’avril et à décorer pour toutes les fêtes, mais je n’ai pas senti la peine et l’inquiétude de mon fils.
Je me suis consolée en berçant Raoul jusqu’à ce qu’il se lasse (ce qui a quand même pris dix minutes).
Plus tard dans la journée, c’est Peter qui a eu une discussion avec Raoul. Il lui a dit qu’il préférait vivre tout seul, mais que son grand frère ne quitterait jamais sa maman parce qu’il l’aimait trop. J’ai hâte de voir si nous avons mis dans le mille et si cette journée portera des fruits autant pour Raoul que pour ses parents.
Anne est une bonne mère, mais pas une mère parfaite. Elle doit apprendre à braquer le projecteur sur ses succès plutôt que sur ses erreurs.
Élever un enfant n’est pas du tout facile, hein? On doit être toujours attentif à ce qu’ils pensent et à ce qu’ils sentent… Si on perd quelque chose, les conséquences pour leur avenir peuvent être terribles!
J’aimeJ’aime
C’est affolant. On frôle toujours la catastrophe.
J’aimeJ’aime