Les anges sont vaniteux – chapitre 135

Dimanche 29 mars

Quand on s’est réveillés ce matin, Peter était déjà parti. Ce qui veut dire que pour la première fois depuis très longtemps, personne ne dormait dans la chambre du sous-sol. On a fait la bête à deux dos en se cachant seulement des enfants et, oui, c’était meilleur. Ensuite, on a brunché et on a passé l’avant-midi à se bécoter, à se dire qu’on était bien ensemble et à coller nos enfants.

Bref à s’aimer.Phoques qui s'aiment

Agathe et Raoul se sont couchés avec James sur le divan et Lionel s’est assis sur moi dans une bergère. On est restés comme ça une demi-heure à somnoler tous les cinq. Raoul disait :

— T’es belle maman, je t’aime papa, Agathe c’est la meilleure grande sœur, Lionel, c’est le plus intelligent, on a une belle maison, les livres sont donc beaux !

Je pense qu’ils avaient besoin qu’on se retrouve seuls, eux aussi. C’est le moment qu’a choisi James pour lancer sa bombe.

— Dans une heure, on va aller faire un petit voyage.

Les enfants ont sauté, moi aussi.

Même l’ange a sursauté. C’est quoi cette histoire de voyage ?Ange curieux

— On va aller conduire maman au couvent.

Une flopée de quoi-quand-où-comment-ça a fusé de partout.

Au couvent ???

— Maman va passer deux jours là-bas.

Raoul et Agathe ont éclaté en sanglots. Lionel s’est retenu, moi, je ne savais pas si je devais rire ou pleurer. James a entrepris de calmer tout le monde.

— On va aller la conduire tantôt et elle va revenir après-demain. Elle restera là-bas seulement deux dodos. Elle mérite bien d’avoir du temps pour elle, vous ne trouvez pas ? Avec vous trois, Peter et moi, grand-papa et grand-maman, elle est un peu fatiguée. Ça va lui faire du bien d’être toute seule.Au carmel

Les enfants ont ânonné un « mouais » pas très convaincant. Je les ai expédiés au sous-sol pour que James m’explique le pourquoi du comment.

— Notre discussion de vendredi m’a fait réfléchir.

Coudonc, est-ce que je possède un don ou si ma personnalité exceptionnelle favorise les épiphanies chez les gens qui m’entourent ?

— J’ai pensé que passer un jour ou deux sans nous t’aiderait à commencer à ton roman policier. Mais tu peux aussi profiter du calme pour lire ou marcher, si tu préfères. L’abbaye se trouve en plein bois et il y a des beaux sentiers autour. Je n’ai pas voulu te le dire avant parce que tu te serais fait un sang d’encre, tu aurais rempli les deux Frigidaires et pour finir, tu m’aurais fait douter de ma décision.

Ce James est brillant !

Je me demandais justement cette semaine où j’avais bien pu ensevelir ma spontanéité. James m’offrait la chance de prouver que j’étais autre chose qu’une maman. J’ai filé mettre des affaires dans une valise.La valise

Après deux heures de route, nous sommes arrivés à l’abbaye Marie-Reine-de-la-Paix, un beau couvent en briques. On a monté mes choses à ma chambre. James m’a embrassée en vitesse pour écourter les pleurs et s’est enfui en courant. J’ai versé une larme, moi aussi. Ça ne m’arrive pas souvent d’être séparée de mes enfants et encore moins de mes enfants et de mon mari.

J’ai passé mon visage sous l’eau en me demandant pourquoi je m’imposais ça. Seulement pour prouver que je peux agir sur un coup de tête ? Je n’en peux plus de virevolter comme une mouche à feu dans la nuit. Je voudrais posséder la stabilité d’un phare pour guider les autres. Au lieu de ça, je nage contre le courant et ça me rend malheureuse. Mon mari et mes enfants ont besoin de moi et je ne suis pas là pour eux. Je dois vraiment utiliser les prochaines heures pour méditer sur le sens de ma vie.

Anne doit s’ouvrir à cette vie intérieure qui l’habite, même si pour le moment, elle n’est qu’un lieu de tension et de peur. En allant à la rencontre d’elle-même, elle pourrait trouver sa place dans le monde et comprendre le bien-être qu’on peut ressentir à être simplement immobile, au cœur de la vie. Si elle s’entête à fuir l’introspection, elle risque de prendre de mauvaises décisions.

Ça urge


2 réflexions sur “Les anges sont vaniteux – chapitre 135

  1. Outre les jours de repos, Anne pourrait avoir une inspiration style Umberto Eco! Imagine – sans faire une copie de « Le Nom de la Rose », bien sûr – un roman policier qui se passe dans une abbaye! Je le lirais sûrement!

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