Les anges sont vaniteux – chapitre 134

Vendredi 27 mars

Je suis sortie du lit en rouspétant. Depuis le début la semaine, j’ai un mal de tête carabiné. C’est lié à quelque chose qui bloque dans mon cou. Malheureusement, c’était le matin nose trimmer de James et il l’a joué relax. Je me suis tapé les déjeuners, les lunchs, les devoirs oubliés d’Agathe et l’habillage. Il a émergé de la douche après vingt-cinq minutes. Je lui ai annoncé que je ne travaillerais pas aujourd’hui encore. Hier, avec Raoul à la maison et l’histoire du frigo de Peter, j’ai juste eu le temps d’appeler Johanne pour lui dire que je n’avais pas le temps de l’appeler. Je dois faire l’épicerie, ranger, faire le lavage et aller chez le chiro.

James a eu une idée.James a une idée

— Va prendre un bon bain moussant, je m’occuperai de l’épicerie ce soir.

En plein le genre de phrase que j’aimerais intercepter avant qu’elle n’atteigne l’oreille d’Anne.

Un bain moussant ! Il veut tellement bien faire qu’il en oublie de bien faire.

Ça m’a mise hors de moi. Je voulais lui dire le fond de ma pensée en l’assaisonnant d’un char de bêtise, mais j’ai plutôt éclaté en sanglots. Avec un mélange de colère et de désespoir, je lui ai expliqué que la maudite épicerie ne pouvait plus attendre, que j’avais parlé de ça toute la soirée hier en plus de lui préparer la liste dans la face. L'épicerie

Finalement, le beau discours d’Anne à Peter aurait aussi pu s’appliquer à James.

Ça l’a mis tout à l’envers de me voir pleurer ma vie. Il a annulé son premier rendez-vous pour rester un peu avec moi.

Il m’a promis qu’il se reprendrait en main et ferait sa part à la maison. Je n’y crois pas trop. Quand je lui explique que ça me fait mourir de perdre une journée de travail, il me dit qu’il comprend, mais il part quand même. En même temps, j’ai du mal à le critiquer. D’abord, il déborde de bonne volonté. Pas une once d’orgueil au moment de se remettre en question. Ensuite, je bouge dix fois plus vite que lui. Je vois ce qui va arriver alors qu’il n’a pas encore eu le temps de voir ce qui était arrivé. Par exemple, ce matin, il a pris l’épicerie en grippe au point de demander à sa secrétaire de l’inscrire dans sa définition de tâche. J’ai beau lui dire que je ne l’ai pas faite mercredi après-midi parce que je n’en avais pas envie, mais que normalement, je n’ai pas de problème avec ça, il n’indexe pas.

Un vrai bolide qui peine à freiner. Il est toujours décalé, en retard d’une décision.Bolide

Le bon côté de cette discussion, c’est qu’elle nous a rapprochés. Je le sens plus amoureux, plus présent pour moi :

— À deux, on va y arriver, tu vas voir, m’a-t-il promis.

De mon côté, j’ai compris que devais m’appuyer davantage sur lui. À force de vouloir être forte et parfaite, je me suis éloignée de lui. Je passe mon temps à dire aux enfants :

— On ne dérange pas papa. Papa travaille.

Allo l’esprit d’équipe.

James m’a dit que je faisais tout pour tuer la femme qu’il aimait, qu’il ne voulait pas d’une ménagère des années cinquante, qu’il voulait une dessinatrice créative et inquiète. Il a ajouté que j’avais sacrifié ma légèreté sur l’autel de l’hospitalité. Ça m’a fait quelque chose.

Comme un coup du lapin et une caresse en même temps.

Je me demande si je ne suis pas l’artisane motivée de mon propre malheur.
L'épicerie demain

J’ai ramené du poulet en revenant de chez le chiro. On fera l’épicerie demain, et puis c’est tout.


2 réflexions sur “Les anges sont vaniteux – chapitre 134

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s