Lundi 1er décembre
Hier soir, j’ai sorti les calendriers de l’avent. Les enfants ne risquent pas de perdre le compte : ils en ont chacun trois. Ça a été tellement long d’ouvrir toutes les portes qu’ils ont failli rater l’autobus.
Après leur départ, j’ai fait la dernière aquarelle pour le livre d’Amélie. Je suis contente d’avoir enfin terminé ce contrat. Faire deux fois quelque chose, c’est une fois de trop. Je ne sais pas comment les professeurs arrivent à répéter toujours le même cours.
Le renouvellement de l’auditoire y est peut-être pour quelque chose.
J’ai relu le deuxième manuscrit de Pareils/pas pareils. L’auteur est un monsieur de 60 ans qui a découvert son intérêt pour la littérature jeunesse à la naissance de son petit-fils. Son texte n’est pas mauvais, mais un peu démodé. Le récit est linéaire et sans aucune surprise. Cela dit, je comprends la démarche de Johanne. Elle voulait trois auteurs aussi contrastés que possible : Amélie qui n’a pas 20 ans, ce grand-papa et une jeune maman haïtienne, récemment immigrée à Chicoutimi. Ça sert bien le propos sur la différence. Il n’y a que deux points communs dans la série : le thème et moi.
J’ai choisi le crayon de bois pour illustrer cette histoire qui parle d’un petit garçon handicapé dont le rêve est de jouer au hockey. Ça donne un résultat old fashion qui convient au style « petite école » de l’auteur. Et aussi — oui, bon, surtout — mon dégât d’eau m’a mise très en retard et c’est le médium le plus rapide. Si je veux prendre quelques jours de vacances entre Noël et le jour de l’an, je dois terminer ce contrat avant le 15 décembre. Ensuite, j’ai le prochain numéro de Lumières à illustrer. J’espère que Jean-Paul aura trouvé un sujet plus intéressant que l’accord du participe passé.
Agathe est revenue de l’école avec une bonne nouvelle enrobée d’une dose de suspense. La maîtresse a toujours monté une pièce de Noël avec sa classe. C’est une crèche vivante qu’elle présente à l’église, juste avant les vacances. Ça permet aux enfants de pratiquer la lecture, de faire une activité avec les familles et de se mettre dans l’esprit de Noël. Mais depuis que la religion a quitté l’école, la maîtresse a besoin de l’autorisation de tous les parents, même les plus athées. Un seul refus ferait capoter toute l’entreprise. Ce qui nous amène au cœur de l’intrigue.
Dans la cour de récréation, Frédéric a dit :
— Mon père ne voudra pas parce que Dieu n’existe pas.
— Ce n’est pas vrai, s’est indignée Agathe. Le Bon Dieu existe parce que mon grand-père me l’a dit. Il le sait : il travaille à l’église.
— Hein, il est curé ? a demandé Marie-Maude, la meilleure amie d’Agathe.
Ça y est, il n’y a plus aucune culture religieuse au Québec.
— Non, il est maître de chapelle.
— C’est quoi ça ? a demandé Mathieu.
— C’est lui qui s’occupe de la musique.
— Ce n’est pas pour ça qu’il sait si Dieu existe, a dit Frédéric.
Effectivement. Bon point pour toi, jeune homme.
Marie-Maude a tranché en disant que c’était personnel et que c’était une question de goût (comme la cuisine islandaise, quoi).
Nous sommes donc dans la douloureuse expectative de savoir si le papa de Frédéric autorise son fils — et toute la classe — à jouer dans une pièce de Noël. Ça me révolte. Ce n’est pas une question de foi, c’est une question de culture.
Qu’on le veuille ou non, qu’on soit croyant ou non, ce sont les symboles chrétiens qui ont forgé les Noëls que nous connaissons. Je suis sûre que le papa athée de Frédéric prend un jour de congé le 25 décembre, qu’il décore la maison et qu’il offre des cadeaux à ceux qu’il aime.
Pourquoi refuserait-il l’histoire de la nativité alors qu’il joue le jeu pour tout le reste ? On doit accepter le fait que notre civilisation est d’origine chrétienne. Rejeter l’Histoire en même temps que la religion, c’est commettre un suicide culturel.
Surtout que la majorité des athées sont pratiquants par leurs valeurs. À la base, l’entraide et la miséricorde sont des valeurs chrétiennes qui appartiennent aujourd’hui à l’humanité tout entière.
Après avoir eu une adolescence pas mal religieuse, quand j’étais catholique, aujourd’hui ma relation avec le christianisme est plutôt esthétique: je trouve beaux les rituels et les prières. D’un autre côté, je pense que les valeurs chrétiennes sont présentes dans plusieurs religions, même les plus anciennes… Mais, je suis d’accord avec Anne en ce point: même si j’étais un « athée fondamentaliste » (comme, peut-être, le père de Frédéric), je ne pourrais jamais ignorer que la religion est un aspect de notre culture… Impossible de la rejeter – à nous et aux autres – tout simplement!…
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J’aime beaucoup l’expression «athée fondamentaliste!» Brillante analyse.
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