Mercredi 10 septembre
Ma grand-mère a eu une chute de pression la nuit passée et j’ai fait un aller-retour à Baie-Saint-Paul. Heureusement, ce n’est pas grave, mais mon grand-père est super inquiet. J’ai trouvé mamie de bonne humeur, quoiqu’un peu pâle. J’en ai profité pour faire un coucou à grand-maman Paulette au CLD. Elle ne me reconnaît plus depuis un bout de temps, mais je voulais quand même la voir. Elle ne change pas. C’est fou de rester aussi jolie quand on n’a plus toute sa tête.
Mamie, elle, a le visage fripé d’un vieux pruneau, alors qu’elle est si jeune de cœur. Elle m’envoie une livre de sucre à la crème par la poste tous les mois et appelle régulièrement pour prendre des nouvelles des petits. Elle est toujours amoureuse de papy. Un jour qu’ils étaient venus dormir à la maison et je les ai surpris en train de se bécoter dans la salle de bain.
Papy est aussi fringant qu’elle. Il est fou de joie que je lui aie fait autant de bébés. Il rêvait d’une famille nombreuse — il avait grandi avec huit sœurs et cinq frères —, mais le ventre plat de ma grand-mère ne lui a donné que mon père. Même pour les petits-enfants, il a dû faire un deuil. Papa a toujours déclaré qu’ils avaient atteint la perfection du premier coup, mais je pense plutôt que maman avait peur d’avoir deux enfants et que papa l’a laissée faire parce qu’il détestait le bruit. Pauvre lui : du bruit, j’en ai fait plus à moi toute seule que Brigitte et ses frères réunis.
Anne est très attachée à ses grands-parents paternels. Pendant son enfance, ils lui ont offert une escale dans sa vie ennuyante. Amandine et Georges étaient bien plus drôles que leur fils et leur bru. Chez eux, la musique de Mozart jouait à tue-tête, on mangeait trop salé, le ménage affichait un retard criant. Anne avait le droit de teindre des œufs à la coque (ainsi qu’une partie de comptoir de la cuisine) et de jouer avec sa nourriture. Le brossage de dents et le lavage des mains étaient évidemment facultatifs.
J’ai d’abord cru que cette gaieté bruyante consolait Anne et ses grands-parents de ne pas avoir eu plein d’enfants, de frères et de sœurs. J’ai nuancé le portrait quand j’ai compris que leur joie était sincère qu’elle servait à accepter les choses telles qu’elles étaient.
En construisant une famille imparfaite, mais heureuse, les grands-parents d’Anne lui ont donné son équilibre. Il reste du boulot à faire, mais je suis là pour compenser.
Comme fils cadet, je n’ai pas connu tous mes grand-parents. Mais j’ai eu la chance de connaître avec ma grand-mère maternelle jusque mes 25 ans, quand elle est décedée très pacifiquement à l’âge de 91 ans; elle habitait à quelques metres de chez nous. Son prenom, très poétique: Felicidade! (« Bonheur »!). Anne est chanceuse d’avoir des grand-parents tellement presents!
J’aimeJ’aime
On dit qu’il faut un village pour élever un enfant. En tout cas, je peux te dire qu’il faut une grand-mère et j’avais la meilleure du monde.
J’aimeJ’aime