La semaine passée, ma fille et moi sommes allées dans une boutique d’aliments en vrac.
Mon ado s’est précipitée dans l’allée des sucreries. De mon côté, j’ai flâné dans les allées avec ma face « allez, impressionnez-moi ». J’ai vu des aliments de cuisson de base, des savons, des produits naturels, des épices. Il y avait des distributrices d’huiles, de beurre de pinottes et de mélasse. Tiens, je ne savais qu’il y avait des sortes de mélasse, dont une épuisée ! Quessé ça ?
Ça me rappelle une expression de ma mère et de sa trâlée de sœurs. Mon grand-père avait un magasin général. Au fond du local, il y avait une arrière-boutique qui n’était pas chauffée. C’est là que mon grand-père entreposait les cercueils. Général, j’ai dit. À côté de ces délicats objets se trouvaient les barils de mélasse. À l’époque, il y en avait une seule sorte qui, comme aujourd’hui, se métamorphosait selon la saison : épaisse quand il fait froid, liquide par temps chaud.
Les cinq filles de mon grand-père l’aidaient parfois au magasin. Quand un client demandait de la mélasse, grand-papa envoyait la plus proche – la malchanceuse – en arrière. Il faut comprendre qu’elles avaient toutes une peur mortelle des cercueils. Là-dessus, on ne peut pas les blâmer.
C’était l’âge du vrac avant que le vrac soit tendance. La gamine partait donc avec le cruchon du client pour remplir sa mission. En été, elle se fermait les yeux et accomplissait vite sa tâche pour revenir à la boutique. Mais en hiver, la mélasse figeait et il fallait une éternité avant que la bouteille se remplisse, faisant de la commission un véritable enfer. Ça a donné une expression aussi connue dans ma famille que « pierre qui roule n’amasse pas mousse ». Quand quelque chose ou quelqu’un est lent, on dit « lent comme de la mélasse du mois de janvier. » Je l’utilise pour dire à mes enfants qu’ils n’en finissent plus de faire la vaisselle.
— C’est don ben long : on dirait de la mélasse du mois de janvier.
Mise à jour : pour mon plus grand plaisir, ma tante Céline, qui a épousé le seul fils de la famille, m’a écrit ce petit mot sur la vie au magasin :
A noter, selon le dire du fils, qui était trop jeune pour participer à cette corvée, il y avait des caisses de dynamite qui servaient de siège dans le magasin pour les heures de jasettes des clients après le souper et çe tout les soirs. Grand papa Léo travaillait du lundi au vendredi de 9 à 9 et le samedi il finissait plus tôt.
Galettes à la mélasse (c’est ma recette préférée)
- 2/3 tasse de beurre (160 g)
- 1 œuf
- ½ tasse de cassonade
- 2/3 tasse de mélasse (220 g)
- 1 tasse de crème sûre (ou de lait très caillé : du jus de citron dans le lait)
- 2 –tasses de farine
- 1 cuillérée à thé de soda
- 1 cuillérée à thé de gingembre
- 1 cuillérée à thé de cannelle
- ½ cuillérée à thé de poudre à pâte
- 1 pincée de sel
Crémer le beurre et la cassonade. Ajouter l’œuf puis la mélasse et la crème sûre et bien battre. Mélanger les ingrédients secs. Ajouter au premier mélange. Cuire à 350 °F, 12 minutes. Donne 3 douzaines de galettes. Vous pouvez supprimer la cannelle, mais pas le gingembre. Il révèle le goût de la mélasse. C’est comme le cumin dans la cuisine mexicaine. C’est obligatoire.
Très beau post, on retrouve bien là l’art de conter des Québécois 🙂
Moi aussi je me demandais ce qu’était la mélasse épuisée, et en fait c’est de la mélasse verte, la plus nutritive. Le magasin en vrac dont il est question ici donne une description du produit sur son site web, et les amateurs de biscuits peuvent en profiter, cette mélasse ne contient pas de soufre, donc parfaite pour faire lever la pâte : http://www.bulkbarn.ca/fr/Products/All/Molasses-Black-Strap-1013
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Merci pour le commentaire. Merci aussi pour la recherche. Je vais cuisiner mes galettes avec une joie renouvelée!
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Y a tout ce qui faut, dans ce texte: une bonne histoire, une bonne adresse et une bonne recette…merci Julie!
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Quel compliment Caroline! Je ronronne.
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Mais… en relisant ce texte… Que serait-il une mélasse épuisée? Le sais-tu? On l’a trop frappée, c’est ça? Pardonnez ce pauvre non-francophone que parfois lit à la lettre… 😛
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Je n’en ai aucune idée! Personne ne peut m’éclairer. Je pense que c’est sans doute une mauvaise traduction.
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Beau texte…j’avais des images de Mon oncle Antoine en le lisant. J’ai aussi appris ce qu’est de la cassonade, sans blague je ne savais pas!!!! Ou est cette boutique de vrac? Merci encore pour tes textes….2 en une semaine….. 😉
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Me référer à un classique du cinéma québécois : merci!
La cassonade : si facile à faire maison quand on en manque (mélanger au robot).
La boutique est Bulk Barn. Il y en a deux sur la rive sud et un nouveau sur Soumande.
Deux textes : c’est toi qui m’inspire!!!
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Ce mélasse vient-il de l’érable? Ici au Brésil, on a le mélasse venu de la canne à sucre. Quand j’étais petit j’aimais le manger avec du fromage ou de la patate douce! Je l’adorais!
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Mélasse
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C’est la même chose que chez vous. À l’époque, au Québec, on n’avait pas de sucre raffiné. On est donc des gros consommateurs de mélasse et de cassonade (du sucre blanc mélangé à de la mélasse).
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Mon Dieu que tu le dis souvent! Une chose est sûre, ce n’est jamais à moi ! 😉
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Ah! Ah! Ah! Celle-là, elle est bonne!
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Effectivement
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