Mardi 24 mars
Avec un peu de retard, on a la tempête de neige de la Saint-Patrick. James a consenti à travailler depuis le La-Z-Boy jusqu’à 11 h 30. Ensuite, il veut affronter l’autoroute. J’ai beau lui expliquer que le vent prend de l’ampleur et que ça va empironner, il refuse de m’écouter. Peter a fait moins de chichi. En se levant, il a regardé par la fenêtre, a laissé un message au bureau disant qu’il était disponible sur appel et est retourné au lit.
De mon côté, cette tempête est une goutte d’eau de plus qui tombe dans mon vase. Quand j’ai vu ça, je me suis lancée dans le ménage en hurlant dans ma tête que c’était FINI et que je ne dessinerais plus JAMAIS de ma vie. James a trouvé que je vidais bruyamment le lave-vaisselle. Je ne sais pas s’il s’inquiétait pour sa femme ou pour notre inventaire, mais il est venu vers moi avec la délicatesse d’un elfe :
— Laisse-moi faire ça et va travailler. Ce matin, c’est moi qui m’occupe des enfants. Après dîner, ça sera ton tour et on travaillera tous les deux ce soir quand ils seront couchés.
Je n’en croyais pas mes oreilles.
— Tu es sûr ?
— Il n’y a pas de raison pour que la tempête tombe dans ta cour. J’aurais dû y penser tout de suite.
— Mieux vaut tard que jamais, ai-je dit en lui donnant un bec sur le front et en m’enfuyant dans mon bureau, avant qu’il ne change d’avis.
Je ne sais pas si James a conscience d’avoir sauvé la carrière d’Anne.
***
Oh joie, oh bonheur ! Il est 21 h 30 et je viens de terminer le contrat pour Lumières !
La seule chose qui assombrit mon sentiment de plénitude, c’est Peter. Je ne sais pas encore comment je vais régler ce problème et lui dire qu’il « colle » vraiment trop. 
Il ne parle jamais de l’avenir et encore moins de partir. J’ai espéré, quand ses parents ont débarqué, qu’il allait repartir avec eux en Gaspésie pour reprendre la pêche au crabe, mais non.
Comment aborder la question avec lui sans lui faire de peine ? Je ne crois pas qu’il pourrait comprendre. Sa vie est tellement différente de la nôtre. Il n’est pas égoïste, il est juste égocentrique. Il ne sait pas ce que c’est de ne pas s’appartenir et de manquer de temps pour ce qui nous tient à cœur. Il ne voit pas qu’on fait passer les besoins des autres avant les nôtres. Il mène la vie que nous avions au bac. On ne lavait même pas la vaisselle après les repas ! On allait au cinéma en plein jour, on voyageait hors-saison et on se couchait à pas d’heure. Tout ça en critiquant ceux qui élevaient mal leurs enfants. Nous posions un regard condescendant sur eux en disant qu’ils avaient de mauvaises valeurs et que c’est pour ça qu’ils ramaient. On était des monstres d’égocentrisme. En fait, on était des monstres tout court.
Rien que ça !
À l'orée de la ville 
Ça ne fait pas longtemps, ici au Brésil – et je suis de cette génération -, les enfants – surtout les garçons – ne faisaient pas leurs lits, ne savaient pas cuire un œuf etc, et – garçons et filles – ne sortaient de chez les parents que pour se marier.
Aujourd’hui, sauf pour la deuxième situation – car, parmi d’autres raisons, c’est pas facile de trouver un boulot qui permet avoir une vie independente -, les choses changent dans la majorité des familles et les garçons ne sont plus les petits princes qui ne font rien à la maison.
Quand je suis sorti de chez mes parents, à l’âge de 27 ans (!), je savais très peu des affaires domestiques!
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Ici, au Québec, on ne fait plus de différence entre l’éducation des garçons et des filles. Mais ça n’empêche pas que certains enfants (des deux sexes) soient de vrais bébés gâtés. Nous les appelons les enfants rois. Ils ressemblent à vos petits princes!
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