À l'orée de la ville

Mercredi 17 décembre

J’ai lu le prochain Lumières que je devrai illustrer. Il porte sur l’humour dans la littérature jeunesse. Je soupçonne Jean-Paul de vouloir se faire pardonner le numéro sur le participe passé.

Cet après-midi, je suis allée chez Dominique cuisiner des hors-d’œuvre que nous congèlerons. Ça nous a permis de papoter. Je savais que ses parents avaient divorcé quand elle avait quinze ans. Je lui ai demandé comment ils organisaient leur temps des fêtes avec trois familles.

— On reçoit ma maman et mon frère au réveillon. Le jour de Noël, mon père et sa femme nous accueillent. On fête le jour de l’an avec la parenté de Roger.

— Comment ça se passe avec ta belle-mère ?

— Assez bien. Papa est heureux avec elle. S’il avait commencé à la fréquenter juste après le divorce, je lui aurais sûrement arraché les yeux, mais il l’a rencontrée presque dix ans plus tard.

— Et ta mère, comment elle a pris ça ?

— Ça ne lui fait ni chaud ni froid. Une fois la blessure d’orgueil guérie, elle a réalisé qu’elle n’était pas faite pour le mariage. Maintenant, ça nous saute aux yeux : maman, c’est une vieille fille. Elle est très bien toute seule et elle ne vivra plus jamais en couple.

Anne ne comprend pas qu’on préfère vivre seul. Sans la présence des autres, elle fanerait sans doute. C’est peut-être parce qu’être fille unique l’a confrontée très tôt à la solitude. Elle croit que tout aurait été plus simple si elle avait appris la vie en société dans une fratrie plutôt qu’à l’école.

Anne donne trop de place à sa blessure pour rester objective. Elle est devenue une personne équilibrée et attentive à son entourage, même si elle est fille unique. Quel que soit l’endroit où on grandit, on peut trouver son petit bonheur. Ou se pourrir la vie.