Les anges sont vaniteux – chapitre 15

Mercredi 30 juillet

Ma belle-mère est une femme timide qui n’a jamais pris sa place. Elle traite son mari comme s’il avait inventé l’eau tiède. Ma foi, elle n’en revient pas d’avoir été choisie par William. James ne voit rien. Il pense que c’est normal qu’une mère ait le visage tendu vers un homme grimpé sur un piédestal.

Encore heureux qu’il n’attende pas ça de moi : il aurait un méchant problème. Je ne supporterais jamais d’être considérée comme sa moitié. Il me faut un mari légèrement reconnaissant. Oui, bon, redevable. C’est mon côté maîtresse d’école. J’aime qu’on me regarde comme si c’est moi qui avais inventé l’eau tiède.

Il ne faut pas croire que je n’aime pas Nicole. D’une certaine façon, je l’admire même. Elle a le chic et moi pas. Ses cheveux sont impeccables, ses vêtements aussi et je ne parle pas de sa maison. En plus, elle est loin d’être idiote. Elle lit beaucoup et elle a une bonne culture générale. Elle pourrait le montrer, mais elle ne fait jamais.

Voilà, c’est en plein ça qui me choque chez elle. À force de se rabaisser, elle arrive à convaincre ceux qui l’entourent qu’elle vaut moins qu’eux. Son bonheur se résume à celui de son mari. Tout tourne autour de lui. Des fois, elle angoisse même si tout est déjà parfait. Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs : William est un Roger-Bontemps. Je ne l’ai jamais vu se fâcher parce qu’un poulet était trop cuit (ce qui est arrivé UNE fois).

Cuisiner pour son mari

Je parle de Nicole parce qu’elle nous gâte tellement que je me sens mal en Gaspésie. J’ai l’impression d’être une grosse Américaine qui se laisse servir. Je ne peux pas faire la cuisine, ni la vaisselle, ni le ménage. Ce matin, je n’ai même pas réussi à faire mon lit, bonyenne ! Quand je suis sortie de la douche, notre chambre brillait et les vêtements sales avaient disparu. Je déteste ça. Pas que le ménage soit fait évidemment : d’être à la remorque de quelqu’un.

Chaque fois qu’on vient chez mes beaux-parents, la chicane pogne entre James et moi. Il redevient le petit garçon à sa maman. Moi, je ne trouve pas ça normal d’être servie comme si j’étais la reine d’Angleterre.

Comme la reine d'AngleterreJames dit que je suis contrôlante et que je n’arrive pas à me détendre. Ça me met hors de moi. Si je veux faire la vaisselle, ce n’est pas parce que je trouve que Nicole la fait mal ou que je suis coincée, c’est parce que je suis tout simplement polie ! James, sous prétexte qu’il est en vacances, se laisse servir comme un gros pacha. Je déteste le voir jouer les machos épais. Il me fait honte.

L'accalmie est finie

Et voilà. L’accalmie est terminée.

James a raison : on est en vacances, on pourrait en profiter. C’est vrai que Nicole a ses défauts — comme tout le monde —, mais Anne les fait paraître tellement gros qu’on ne voit plus ses qualités.

Qu’est-ce qu’elle a, mon Anne, à être toujours en colère comme ça ? Je ne la reconnais plus. On dirait que la bulle de bonheur dans laquelle elle flottait a éclaté.

Bulle de bonheur


2 réflexions sur “Les anges sont vaniteux – chapitre 15

  1. Il y a des Nicole partout! Sauf peut-être cette soumission, la mère brésilienne d’un certain âge agit exactement comme ça quand il s’agit de recevoir des visites: si ma mère était encore entre nous et tu venais lui rendre visite, tu ne ferais rien sinon manger et te balader… La cuisine (des gros repas), le linge…? Tout à elle!

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