À l'orée de la ville

Je termine un essai d’Umberto Eco sur le roman-feuilleton, De Superman au Surhomme. Un long chapitre est consacré à l’œuvre d’Eugène Sue, l’auteur des Mystères de Paris.

Eugène Sue est connu pour avoir décrit les misères du petit peuple. Il se réclamait socialiste et pouvait même situer le moment précis de sa conversion : le 25 mai 1841, après avoir mangé un délicieux pot-au-feu sur la nappe impeccable d’une famille pauvre, mais digne. En un éclair, il passa du dandysme au socialisme. Après avoir été député républicain, il fut poussé à l’exil par Louis-Napoléon Bonaparte. À sa demande, il fut enterré au cimetière d’Annecy dans le coin des « dissidents » (non catholiques). Il voulait garder pour toujours une image de libre-penseur pointant un doigt accusateur sur le scandale de la misère humaine.

Pas très drôle tout ça, me direz-vous. Eh bien moi, j’avais le sourire aux lèvres dès le début du chapitre. Même si je ne connaissais cet auteur que de nom, j’avais un a priori affectueux pour lui. D’abord parce que c’est Eco qui en parle et qu’il me fait souvent rire (ça vous étonne? Lisez Comment voyager avec un saumon. Désopilant). Ensuite, parce que son nom constitue le point d’orgue d’un sketch très drôle d’Yves Montand.

Ma lecture m’a donné envie de faire écouter ce grand classique aux enfants. Vous connaissez ma passion pour la pédagogie détournée : ce sketch en est un parfait exemple. Il m’a permis de leur expliquer que, dans une conversation, le ton l’emporte toujours sur le discours. Ils ont bien compris. Tout le monde comprend : c’est clair comme de l’eau de roche.

Pour vous, j’ai trouvé la version filmée qui ajoute encore au comique de la situation. Yves Montand est vraiment un acteur extraordinaire. La dame au bout du fil, qui semble avoir laissé son romantisme dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, n’est nulle autre que Simone Signoret. C’est le festival du talent.