Mercredi 4 février
On a refait notre testament aujourd’hui. Le dernier remontant à l’époque de la chicane avec Brigitte, Peter et Sylvie étaient les tuteurs. Avec le voyage à Cuba qui augmente subtilement nos chances d’avoir un accident et Sylvie qui a atteint des sommets d’hystérie, on a pensé qu’il était temps de changer tout ça.
J’ai soufflé l’idée à Anne. On n’est jamais trop prudent.
En revenant à la maison, on a parlé aux enfants. Pour eux, la mort de leurs parents est un vague zéphyr qui filtre dans l’embrasure d’une porte dérobée.
MOI. — Aujourd’hui, papa et moi, on a fait notre testament. C’est un contrat qui dit ce qui va arriver si on meurt.
RAOUL (comme s’il parlait de l’extinction des dinosaures). — Vous allez mourir ?
MOI. — Mais non, bien sûr que non.
LIONEL. — Vous ne mourrez jamais !?!
JAMES. — Oui, on va mourir, mais pas tout de suite. Seulement quand vous serez grands et que vous aurez des enfants.
AGATHE (soulagée). — Ah bon, quand on va être vieux.
JAMES. — …
MOI. — Ce que papa veut dire, c’est que normalement, quand on va mourir, vous devriez être capable vous garder tout seuls. Mais s’il nous arrivait un accident maintenant, quelqu’un devrait s’occuper de vous. C’est ça qu’on a décidé dans notre testament aujourd’hui. Et devinez qui on a choisi pour prendre soin de vous.
AGATHE ET LIONEL (d’un seul souffle). — Dominique !
Bonne idée ! Quand on a cinq enfants, trois de plus, c’est de la tarte.
Nous nous sommes regardés, médusés.
JAMES. — Vous ne trouvez pas qu’ils ont assez d’enfants comme ça ?
RAOUL. — C’est ça qui est le fun. Je pourrais rester avec Benjamin.
LIONEL. — Et moi avec Samuel.
AGATHE. — Moi, je m’occuperais des bébés. Ça aiderait Dominique.
Je ne suis pas sûr que trois petits McNeil ajoutés à cinq petits Richelieu aideraient beaucoup Dominique.
LIONEL. — Alors, en Gaspésie chez Grandpa Henry, grand-papa et grand-maman, en Gaspésie.
James a ronronné. On a dit que non, que c’était chez ma tante Brigitte et mon oncle Pascal. Dans le but d’éviter toute perturbation émotionnelle, on a imaginé où serait leur chambre et comment les choses se passeraient. Bientôt, Raoul s’est mis à pleurer parce que ce n’était pas encore arrivé. Mission accomplie : pas de séquelles prétraumatiques.
Ces enfants vivent dans un monde stable et heureux. Il faudrait plus qu’une discussion rhétorique sur la mort pour les bouleverser.
C’est drôle: ici au Brésil personne se préoccupe avec ça! Personne! Si les parents meurent, c’est les grands-parents qui s’occupent des enfants, en général… ou un oncle ou une tante…
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Vous êtes bien chanceux! Ici, c’est une réalité qui a disparu.
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