Les anges sont vaniteux – chapitre 46

Mardi 14 octobre

Raoul a dormi dans nos bras une partie de la nuit. Il a le nez complètement bouché. Lionel et Agathe morvent. J’attends que James succombe avant de m’écrouler à mon tour.

Avant de tomber malade

Cet après-midi, je suis allée chez une dentiste esthétique. Je suis très complexée par mes couronnes et je voulais savoir s’il y avait un moyen d’arranger ça. Son assistante et elle ont fait « oh, mon Dieu… » quand j’ai souri. Évidemment, c’est laid, mais je n’étais pas préparée au fait que pour des spécialistes, ma bouche appartenait au genre horreur. La bonne nouvelle, c’est que ça se répare moyennant une deuxième hypothèque sur la maison. La mauvaise, c’est qu’on doit relever une partie de gencive parce qu’elle serait trop basse. Je n’avais jamais pensé à m’inquiéter du fait que j’avais une dent plus courte que les autres.

Il faut d’abord que je fasse opérer cette dent-là avant d’attaquer le remplacement des couronnes. Avec les différentes étapes, j’aurais un sourire normal après quatre ou cinq mois de patience.

J’aimerais ça avoir une belle bouche. Je vais en parler avec James.

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Anne m’a fait plus d’une frayeur depuis qu’elle est née. Un accident de vélo l’a défigurée et a failli m’envoyer au sanatorium des anges. La première de cette longue série a été une rougeole. Anne était bébé et n’en garde aucun souvenir. Par contre, elle n’en finit pas de subir les effets de cette maladie. À cause de la forte fièvre, l’émail de ses dents d’adultes ne s’est pas formé. Ses incisives naturelles étant affreuses, Anne a offert un sourire serré aux photographes jusqu’à 16 ans. Le dentiste lui a fait des couronnes et tout s’est arrangé.

Malheureusement, avec le temps ses gencives ont légèrement remonté et la gaine des couronnes apparaît maintenant. Anne s’est habituée à sourire la bouche ouverte et elle n’a pas l’intention de retourner aux heures noires de son adolescence, mais lorsqu’elle se voit en photo, elle est toujours déçue.

Brigitte la réconforte comme elle peut. Elle a du mal à trouver les bons mots, car elle ne comprend pas le cinéma que fait sa cousine pour une simple histoire de dents.

— Si tu savais ce que je donnerais pour avoir tes dents et ta taille.

— Je mesure cinq pieds, ce n’est pas si merveilleux.

— Je parle de ton tour de taille, voyons.

— Tu peux être belle et ronde, mais aucun mannequin n’est édenté.

— Ferme la bouche, c’est tout ! Sissi est devenue la plus belle femme du monde comme ça.

Brigitte n’a pas tort et Anne le sait, mais ses dents lui pourrissent la vie pour une autre raison. En les regardant, elle ne peut s’empêcher de penser que cette rougeole a donné à ses parents une peur épouvantable et l’a privée d’une fratrie. Anne croit qu’Adélaïde, après avoir passé des jours à craindre pour sa fille, a décidé de ne plus avoir d’enfant. Ces fichues dents lui rappellent sa blessure, et c’est pourquoi elle ne peut pas les voir en peinture.

Même pas en peinture


2 réflexions sur “Les anges sont vaniteux – chapitre 46

  1. La rougeole est heureusement éradiqué chez nous. Je l’ai eu quand j’avais 17 ans! La varicelle, une autre maladie d’enfance, comme on dit, je l’ai eu quand j’avais 21 ans! C’était affreux tous les deux!

    À propos de la visite au dentiste, il faut absolument que l’ange gardien d’Anne entame des discussions avec la fée des dents!

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