Les anges sont vaniteux – chapitre 31

Vendredi 5 septembre

Dominique, la mère de tous les amis de mes enfants, m’a finalement invitée à boire un café chez elle. Quelle femme d’action ! Je lui lève mon chapeau.

Vu l’ange gardien qu’on lui a attribué, elle a tout intérêt à prendre les choses en main.

Le café de Dominique

Je lui ai dit que j’avais trois enfants parce que j’avais détesté être fille unique. Elle m’a répondu qu’elle, au contraire, n’avait jamais eu l’ambition d’avoir une grande famille. Une simple négligence avait changé la donne.

— On voulait deux enfants avec trois ou quatre ans d’écart et on a respecté notre programme : il y a trois ans et demi entre Thomas et Samuel. Comme notre famille était complète, Roger s’est fait vasectomiser.

— Ça n’a pas marché ?

— Non, Roger a oublié son contrôle. Évidemment, je suis tombée enceinte et évidemment, j’ai paniqué. Imagine, Samuel n’avait pas un an ! Puis je me suis calmée. Il faut dire que tout le monde me répétait que le troisième était le plus facile à élever.

Trois enfants

— C’est vrai. Il veut imiter les autres, alors il apprend très vite. En tout cas, c’est ce qui m’est arrivé avec Raoul.

— Benjamin a effectivement été mon bébé le plus tranquille. Il était toujours de bonne humeur et jamais malade. Ça s’est tellement bien passé que ça m’a donné le goût d’essayer pour un quatrième. J’avais envie d’avoir une fille.

— Une fille, c’est génial ! Ça placote d’affaires nettement plus intéressantes qu’un gars. Je suis à jour dans les potins d’école et on est seulement le 5 septembre !

— Roger n’a pas été difficile à convaincre. Assez vite, je suis retombée enceinte. Tout allait sur des roulettes jusqu’à l’écographie : le petit nouveau était en fait deux petits nouveaux.

Je comprends un peu mieux pourquoi cet ange gardien ne livre pas la marchandise. Il est débordé, le pauvre.

Un peu trop de bébés

— Comment tu as réagi ?

— J’avais envie de pleurer jusqu’à ma retraite, mais il fallait que je m’occupe des trois grands. Imagine la tête de Roger quand j’ai posé l’échographie sur la table. Il a regardé l’image et m’a dit : « C’est une blague, dis-moi que c’est une blague ».

Désopilante la blague…Des jumeaux

— On s’est enlacés et on a éclaté en sanglots.

— De joie ou de peine ?

— Des deux. On était surtout bouleversés. Après la surprise, on s’est organisés. Par chance, on n’a pas de problème d’argent, alors on a fait agrandir la maison. J’ai appelé mon patron pour lui annoncer que je terminerais mon congé maternité pour entamer un retrait préventif. Ce jour-là, il a vraiment regretté de m’avoir engagée.

Je n’ai pas retenu le métier de Dominique, mais je sais qu’elle travaille sur des plans de dessinateurs industriels. Avec des logiciels, elle calcule si les pièces ont été bien conçues et comment elles se comporteront dans un environnement réel. D’après ce que James m’a dit, l’ordinateur et les programmes qu’elle utilise valent une fortune et si la compagnie qui l’embauche — une multinationale qui fait du biomédical — accepte qu’elle travaille depuis la maison, c’est parce qu’elle doit être très bonne.

— Voilà l’histoire. Ève et Louis vont avoir deux ans au mois de décembre et je retournerai au boulot. Au début, je travaillerai deux jours au bureau et deux jours à la maison.

— Tu ne vas pas trouver ça difficile travailler à la maison avec les enfants ?

— Je ne crois pas. Les petits sont à la garderie et les grands vont à l’école. Je n’aurai que Samuel le mercredi après-midi. J’en profiterai pour faire l’épicerie.

Je me suis contentée de hausser les épaules. J’ai souvent du mal à travailler à la maison. J’y arrive à force de courage et de volonté, mais ce n’est pas à la portée de tous.

Ça, c’est ma protégée : elle a une tête au-dessus de la mêlée. Quelle belle équipe on fait !

La belle équipe

Et puis, j’ai des échéances relativement élastiques. Mes patrons sont sûrement plus accommodants que ceux de Dominique.

Anne est rentrée à la maison avec le sourire aux lèvres et elle a été de bonne humeur toute la soirée. Ça m’a fait réaliser à quel point elle avait souffert de passer l’été à la maison à s’occuper des petits. La présence des enfants ne lui suffit pas, il lui faut aussi des discussions d’adultes. Elle aurait voulu avoir une grande famille comme celle de Dominique, mais elle comprend maintenant qu’elle ne sera jamais la mère épanouie de douze enfants. Elle se console en pensant qu’elle a plus d’un enfants et qu’elle a réussi à créer une véritable famille là où sa mère a échoué. Je la trouve un peu vaniteuse quand elle se compare à Adélaïde.

C’est vrai, j’ai failli oublier le punch de l’histoire : Roger, le papa, est obstétricien ! C’est bien : il prêche pour sa paroisse.


3 réflexions sur “Les anges sont vaniteux – chapitre 31

  1. Quatre enfants, dont des jumeaux?!? Ça donne vraiment du travail à n’importe quel ange gardien!… Et à n’importe quelle maman! Bien, en tout cas, chez moi, nous étions six enfants! Ma maman a eu assez de travail quand même!

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    1. En fait, Dominique a 5 enfants. C’est une sainte femme, comme ta mère, d’ailleurs.

      Voici un tableau récapitulatif. C’est celui que j’utilise pour garder le fil. Pas facile avec une pareille trâlée de petits!

      Thomas 8 ans, 3è année
      Agathe 6 ans, 1ère année
      Lionel et Samuel 5 ans, Maternelle
      Raoul et Benjamin 4 ans, Grenouilles rieuses
      Ève et Louis 20 mois

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