Les anges sont vaniteux – chapitre 98

Dimanche 1er février

Chaque année, on se réunit chez Peter et Sylvie pour regarder le Super Bowl. On passe l’après-midi à jouer dehors et quand le soleil commence à descendre, on rentre se réchauffer auprès du feu.On joue dehors

On sort la bière, les ailes de poulet et la bouffe à doigts et on attend impatiemment le kick off. J’ai du mal à comprendre les règlements du football, mais les fesses des joueurs constituent un spectacle qui mérite qu’on s’y intéresse. Cette année, en plus, ça s’annonçait spécial parce que Peter et Sylvie ont acheté une télé immense.

Pour être spécial, ça a été spécial.

Effectivement. Ça jouait encore plus dur dans le salon que sur le terrain.Ça joue dur

À la première mi-temps, je suis allée à la cuisine chercher un torchon parce que Lionel avait fait déborder sa boîte de jus. Sylvie était en train de se disputer avec une de ses sœurs. Pour être plus précise, Sylvie engueulait Ginette.

— Comment tu penses que je me suis sentie quand tu as volé ma place ? a dit Sylvie.

Mayday, mayday, mayday. Iceberg en vue. Abandonnez le navire.

J’ai voulu prendre le torchon et mes jambes à mon cou, mais Sylvie m’a retenue pendant que Ginette levait les yeux au ciel.

— Tu vas être notre arbitre, Anne.Anne, arbitre

— Non merci, sans façon. Je dois aller nettoyer le dégât de Lionel. Je ne voudrais pas que ça tache ton beau plancher.

— Hey, laisse faire le plancher pis écoute comment ma grande sœur me traite. Elle a enlevé l’assiette que j’avais posée sur le divan pour garder ma place pendant que j’allais me chercher une bière. Genre, « envoye, fais de l’air, la p’tite ». Pourquoi pas, « vas t’asseoir dans le garage » tant qu’à y être ?

— Reprend-là ta place, Sylvie, pis change de canal, cibol ! a rugi Ginette. On ne va pas y passer la soirée.

— Pourquoi pas ? Pourquoi je serais la seule à me faire chier ? À m’occuper des autres ? À me taper la corvée de ménage ? Si tu penses que ça me tente de torcher tout le monde ! Pis moi, qui c’est qui prend soin de moi ? Ben non, moi, n’importe qui peut voler ma place, c’est juste normal.

Ginette a regardé sa sœur sans dire un mot, m’a souri, a pris son manteau et est partie.

Quelle femme, quel calme, quelle maturité !

Malheureusement, au lieu de contenter Sylvie, le départ de sa sœur l’a complètement déchaînée. Elle s’est précipitée dans le salon et a débranché la télé. Vrai comme je suis là ! Puis elle s’est mise à hurler un flot d’insanités qui se résumeront ici à deux postulats selon lesquels :

  1. Nous étions une bande de cochons.
  2. On pouvait aller passer la soirée ailleurs.

Tous des cochons?En trois secondes, Peter a rebranché la télé, nous a suppliés de rester, a pris Sylvie par le bras et l’a emmenée dans leur chambre.

Je suis surpris qu’elle ne l’ait pas étranglé, là, sur place.

Nous sommes restés parce que Peter nous faisait pitié. Par contre, c’était fichu côté ambiance. À ce moment-là, Brigitte a eu l’idée d’aller chercher la trâlée de petits pour faire une photo de groupe.

Photo de groupeÇa a réchauffé les cœurs et bientôt, le party a repris presque comme si rien n’était arrivé. Pendant la deuxième mi-temps, Sylvie est revenue et nous a présenté des excuses de perron d’église assaisonnées de farces sur la maudite boisson. Comme on ne demandait pas mieux que d’oublier cet épisode humiliant, on a passé l’éponge.

James est bouleversé. Mais Peter n’est plus un enfant et James ne peut pas le défendre contre sa blonde. Je l’ai rassuré en lui disant que Peter finirait bien par trouver le moyen de s’en sortir. S’il ne bougeait pas pour le moment, c’est que sa vie avec Sylvie lui apportait encore quelque chose.

Il a fait semblant de croire mon mensonge.Pinocchio

Moi, je n’y crois pas du tout.


4 réflexions sur “Les anges sont vaniteux – chapitre 98

  1. Je ne savais pas que le football (« américain », il fait dire, car le vrai football il n’y a que le nôtre!) était un sport populaire au Québec… Il me paraît que la Super Bowl n’est qu’une excuse pour faire la fête! Héhéhé! C’est comme la Coupe du Monde de (Vrai) Football pour moi, qui n’aime pas trop le sport (je suis une exception comme brésilien)…

    ***

    Argh, il doit être fatigant d’avoir une femme comme cette Sylvie!

    J’aime

    1. Ici, le football et le soccer sont deux sports différents. Les deux ont beaucoup de succès, mais l’engouement pour le soccer est plus récent.

      En effet, Sylvie n’est pas une femme reposante. Par contre, elle est un personnage magnifique pour une auteure!

      J’aime

      1. J’ai entendu parler que en Amérique du Nord, le soccer est vu comme un sport féminin… Ici, au Brésil, le soccer féminin est très bon, mais très peu valorisé!

        J’aime

Laisser un commentaire